Lorsqu'il y a urgence, il est possible de demander au
tribunal qu'il ordonne une mesure provisoire. Voici dans quels cas.
La
procédure de référé permet à un particulier ou à une entreprise dont le droit
est menacé de demander au président du tribunal qu'il ordonne une mesure
provisoire pour faire cesser une atteinte.
Celui qui engage une procédure de référé doit assigner son adversaire à une
audience spécialement dédiée aux référés. Théoriquement, cette procédure peut
être engagée sans l'aide d'un avocat mais, en pratique, le recours à l'avocat
est nécessaire. Dans tous les cas, il faut laisser à l'adversaire un temps
suffisant pour se préparer. Toutefois, lorsqu'il y a une extrême urgence, il
est possible d'assigner "d'heure à heure", c'est-à-dire pour le jour
même, y compris les jours fériés ou chômés ; l'audience peut d'ailleurs se
tenir au domicile du juge... En général, l'audience est fixée dans un délai de
trois à six semaines et le juge rend son ordonnance rapidement, parfois le jour
de l'audience. Ensuite, le demandeur signifie l'ordonnance à son adversaire et
celui-ci doit l'exécuter. S'il est condamné à payer une provision et qu'il ne
le fait pas, ses biens peuvent être saisis.
Exécution immédiate
La procédure de référé, outre sa rapidité, présente un autre avantage
considérable. L'ordonnance rendue par le juge est "immédiatement
exécutoire". En clair, même si l'adversaire fait appel, il doit exécuter
l'ordonnance tout de suite, car l'appel n'est pas suspensif, contrairement aux
autres procédures.
Il s'agit donc d'une procédure rapide, voire très rapide, mais où le juge des
référés ne tranche pas le fond de l'affaire. Toutes les demandes ne peuvent
donc pas faire l'objet d'une procédure en référé. Seules celles qui remplissent
des conditions particulières sont admises. La loi prévoit principalement trois
situations dans lesquelles le plaideur peut engager cette procédure, auxquelles
s'ajoute le référé prévu par les parties elles-mêmes dans le contrat.
Référé et ordonnance sur requête
Ne pas confondre le référé avec l'ordonnance sur requête. Tout
intéressé peut saisir le président du tribunal de grande instance ou le
président du tribunal de commerce par une simple requête, afin de prendre une
mesure provisoire lorsqu'il n'y a pas besoin d'appeler la partie adverse. Par
ailleurs, la loi prévoit un certain nombre de situations dans lesquelles les
demandes doivent se faire par ordonnance sur requête, notamment lorsqu'il y a
urgence. Cela peut être, par exemple, pour désigner un expert qui examinera des
travaux litigieux (Cass., 16 janvier 1983), ou pour ordonner l'expulsion de
grévistes (Cass., 17 mai 1977). L'ordonnance sur requête peut être rendue même
lorsqu'il y a un différend au fond. La principale différence avec le référé
réside dans le fait que la partie adverse n'est pas convoquée.
Lorsqu'il y a urgence
Dans tous les cas où il y a urgence, le plaideur peut demander au président du
tribunal compétent sur le fond de prendre les mesures qui s'imposent. C'est le
juge lui-même qui apprécie si l'urgence justifie qu'il prenne une décision en
référé. Ainsi, par exemple, la jurisprudence estime qu'il y a urgence si
l'absence de décision immédiate conduisait à la paralysie des organes de
gestion d'une société (Cassation, chambre commerciale, 17 octobre 1989), ou à
la dissolution d'une société (Cassation, chambre commerciale, 26 avril 1982).
En revanche, il n'y a pas urgence lorsque le demandeur en référé a tardé à
présenter sa demande et a manifesté une très longue tolérance avant d'agir
(cour d'appel de Paris, 9 novembre 1977).
Par ailleurs, la mesure demandée ne doit pas, en principe, se heurter à une
contestation sérieuse (article 808 du Code de procédure civile). Elle doit
apparaître au juge comme "une évidence" (Cassation, 1re chambre
civile, 28 juin 1965). C'est notamment le cas lorsqu'on demande au juge de
constater la résiliation d'un contrat arrivé à son terme (Cassation, chambre
civile, 2 avril 2003). Inversement, le juge des référés doit refuser de
trancher, par exemple, une affaire qui divise les parties sur le moment du
transfert de propriété des marchandises vendues (cour d'appel d'Orléans, 23
mars 1981), ou un différend qui est subordonné à la validité d'un contrat
(Cassation, chambre commerciale, 27 juillet 1986).
En réalité, les solutions ne sont pas aussi tranchées qu'il y paraît. La Cour
de cassation accepte que le juge des référés intervienne pour prendre des
mesures conservatoires, même en présence d'une contestation sérieuse sur le
fond. Mais alors, la mesure prise ne doit pas trancher le fond du problème et, bien
sûr, la notion d'urgence doit être très présente. Ainsi, le juge des référés
peut, malgré une contestation sérieuse, suspendre une saisie injustifiée
(Cassation, chambre commerciale, 14 mars 1984), suspendre une interdiction
bancaire abusive (cour d'appel de Paris, 6 novembre 1979), nommer un
administrateur provisoire ou un séquestre (Cassation, chambre civile, 17
octobre 1980), etc.
Bon à savoir : lorsqu'il y a urgence, les avocats tentent bien souvent la
procédure de référé, même dans les cas limites.
Un dommage imminent ou un trouble
manifeste
Il est également possible de demander au président du tribunal de prendre, en
référé, des mesures conservatoires ou de remise en état lorsqu'il y a un risque
de dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Cette action peut être engagée même s'il n'y a pas d'urgence et même s'il y a
une contestation sérieuse sur le fond (Cassation, chambre commerciale, 27
octobre 1992), y compris si le problème vient d'une décision administrative. Mais
le comportement à l'origine du dommage doit être illicite.
Par
exemple, ont été jugées illicites l'utilisation, en tant que nom de domaine, du
nom patronymique d'un tiers et de la dénomination d'une autre entreprise sans
leurs accords (cour d'appel de Paris, 23 janvier 2003), ou encore la diffusion
d'une publicité mensongère (Cassation, chambre commerciale, 19 octobre 1999).
Cette procédure permet notamment au juge des référés d'interdire à un magasin
d'ouvrir le dimanche en violation d'un arrêté préfectoral (Cassation, chambre
commerciale, 15 juin 1982) ; d'interdire l'exercice irrégulier d'une activité
professionnelle (Cassation, chambre civile, 30 novembre 1982) ; de condamner un
cocontractant à reprendre ses relations contractuelles du fait de l'imminence
et de la gravité du dommage qui résulterait de la rupture du contrat
(Cassation, chambre commerciale, 21 mars 1984).
Bon
à savoir : lorsque le comportement est
"manifestement" illicite, le juge des référés reste compétent, même
si le trouble est "peu important".
Saisir le tribunal compétent au fond
La
procédure de référé existe devant toutes les juridictions civiles, notamment
devant le tribunal de grande instance, le tribunal de commerce, le tribunal
d'instance, le conseil de prud'hommes... Il faut saisir le président du
tribunal qui est compétent sur le fond de l'affaire, bien que, en référé,
celui-ci ne tranche pas le fond du conflit, mais prenne uniquement des mesures
provisoires.
Rappelons que le tribunal de grande instance est compétent
pour les affaires civiles lorsque l'enjeu est supérieur à 10 000 euros.
S'ajoute une compétence, quelle que soit la somme en jeu, dans certains
domaines, par exemple pour les saisies immobilières, les brevets et marques,
les successions...
Le
tribunal de commerce est compétent pour les litiges entre commerçants, les
litiges entre associés d'une société commerciale, les litiges nés de la vente
d'un fonds de commerce, ceux qui concernent les actes de commerce entre
commerçants et non-commerçants et les questions liées aux règlements et aux
liquidations judiciaires.
Le tribunal d'instance juge, quant à lui,
les conflits entre particuliers dans certains domaines, lorsque l'enjeu ne
dépasse pas 10 000 euros. Inversement, dans certains domaines, il est compétent
quel que soit le montant en jeu, notamment pour les baux civils. Enfin, le
conseil de prud'hommes juge les litiges entre employeurs et salariés.
Pour obtenir une provision
Le créancier dont la créance n'est pas définitivement établie peut obtenir une
provision, c'est-à-dire la condamnation du débiteur à lui payer tout ou partie
de sa créance. Toutefois, pour pouvoir engager un référé-provision, la créance
ne doit pas être "sérieusement contestable". Ainsi, le tribunal de
grande instance de Toulouse a estimé, le 22 février 2000, que la responsabilité
de plein droit de produits défectueux n'est pas sérieusement contestable en
référé. De même, il n'y a pas de contestation sérieuse à propos d'une créance
qui résulte de factures impayées (Cassation, chambre commerciale, 25 janvier
1983) ou d'un décompte définitif. Même solution pour la demande de
remboursement d'un prêt au terme du plan de remboursement (Cassation, chambre
commerciale, 22 novembre 1982). C'est au débiteur poursuivi de prouver que sa
dette fait l'objet d'une contestation sérieuse.
C'est
par exemple le cas d'une créance qui découle d'un document contractuel imprécis
ou d'un document qui demande un examen approfondi (Cassation, chambre
commerciale, 19 janvier 1988). Peu importe la nature de la créance, elle peut
être commerciale ou civile. Il peut également s'agir d'une obligation de faire
(cour d'appel de Versailles, 24 juin 1999). Le juge peut, par exemple,
prescrire l'exécution des contrats en cours dans le cadre d'une procédure
collective (tribunal de grande instance de Nîmes, 6 novembre 1986). En ce qui
concerne le montant de la provision, cela peut aller jusqu'à la totalité de la
créance (Cassation, chambre civile, 10 mars 1993).
Bon
à savoir : le créancier peut engager un référé-provision
même en l'absence d'urgence particulière, car la Justice considère que tout
recouvrement de créance est urgent (Cassation, chambre civile, 18 janvier
1978).
Quand le référé est prévu au contrat
Il est fréquent que les parties prévoient elles-mêmes dans leur contrat le
recours au juge des référés, indépendamment des procédures prévues par la loi.
C'est notamment le cas pour constater l'acquisition d'une clause résolutoire.
Rappelons que la clause résolutoire est une clause par laquelle les parties conviennent
que si tel ou tel événement survient (ou ne survient pas), le contrat prendra
fin de plein droit, c'est-à-dire automatiquement. En règle générale, il est
prévu que la clause résolutoire se déclenche lorsque l'une des parties
n'exécute pas ses obligations. On trouve des clauses résolutoires dans de très
nombreux contrats et notamment dans tous les baux (commerciaux ou non) : le
bail est résilié dès lors qu'un seul loyer n'est pas payé.
La procédure de la clause résolutoire dépend de ce qui est prévu au contrat. En
général, les parties soumettent le déclenchement de la clause à une mise en
demeure préalable. Une fois celle-ci passée, il faut distinguer selon que la
clause résolutoire est acquise "de plein droit à défaut d'exécution"
ou simplement "à défaut d'exécution". Dans le premier cas, il n'est
en principe pas besoin de recourir à la justice pour faire constater que les
conditions de la résolution sont réunies, sauf si le cocontractant le conteste.
Dans le second cas, le juge doit constater le défaut d'exécution. Cette demande
de constatation peut s'effectuer en référé, de même si la clause est
résolutoire de plein droit mais que le cocontractant conteste la résolution.
Dans ces hypothèses, le bénéficiaire de la clause peut demander au juge des référés
de "constater" la résolution (Cassation, chambre commerciale, 4 juin
1962), sauf s'il faut trancher une contestation sérieuse. Notons que, si le
juge des référés constate l'acquisition de la clause, la partie condamnée peut
encore agir devant le juge du fond et demander la suspension de la clause, car
l'ordonnance de référé n'a pas autorité devant le juge du fond.
Bon
à savoir : dans la mesure où le contrat prévoit lui-même la
compétence du juge des référés pour constater l'acquisition de la clause résolutoire,
celui-ci est compétent même s'il n'y a pas urgence (Cassation, chambre civile,
20 janvier 1988).