jeudi 9 novembre 2017

Le couple qui a accueilli Serigne Touba à Dakar en 1895

Ibra Bineta Gueye M'bengue et son épouse Anna Diakher Faye ont accueilli, au Penc de Thieudeme, à Dakar, Serigne Touba en partance en exil au Gabon, au sortir du cachot du camp Dial Diol, après intervention des Dignitaires lebou. 
Voici le témoignage de Serigne Moussa KA, dans un de ses poèmes : 

« Tubaab ya woo ko boole koog sandarma bu tudd Ibra Binta Géy ngir worma. Mu boole koog soxnaam su tudd Aana Fay mu di ko toggal. Yal na Yàlla xéy ko fey. » (Les français l’appelle (Serigne Touba), le remirent entre les mains d’un gendarme du nom d’Ibra Bineta Gueye, à cause de sa sollicitude. Ce dernier le confia à son épouse, Anna Faye qui lui préparait ses repas. Que Dieu la récompense.) 

Ibra Bineta Gueye fut chef de canton de la banlieue ouest dakaroise de 1855 à 1905 et Ndey Ji Frey de 1897 à 1903. 
Pour plus d’information, lire l'article de Abdou Khadre Gaye "Les nuits dakaroise de Serigne Touba" : http://www.rewmi.com/serigne-touba-a-dakar-les-18-19-et-20-septembre-1895-il-y-a-118-ans-bamba-et-la-communaute-lebu_a82594.html 

« Isaa sakkartu saalikal mabiita wa saalikal amiira wa saboota taarab ilal jixaadi bil armaaxi nafsii walaakin sàbba annilmaaxi » (Lorsque je songe à ce qui fut décidé, à ce Gouverneur et à ce cachot, me prend aussitôt l'envie de combattre par les armes ; mais Celui qui efface les péchés (le Prophète) m'en dissuade.) 
Cheikh Ahmadou Bamba 

« Tubaab ya woo ko boole koog sandarma bu tudd Ibra Binta Géy ngir worma. Mu boole koog soxnaam su tudd Aana Fay mu di ko toggal. Yal na Yàlla xéy ko fey. » (Les français l’appellent, le remirent entre les mains d’un gendarme du nom de Ibra Bineta Gueye, à cause de sa sollicitude. Ce dernier le confia à son épouse, Anna Faye qui lui préparait ses repas. Que Dieu la récompense.) Serigne Moussa Ka. 

Les nuits dakaroises de Serigne Touba (dont les péripéties spirituelles, le symbolisme et la haute valeur mystique ne sont pas l’objet de ce papier ni ne sont de mes compétences) ont scellé définitivement le pacte d’amitié liant la Collectivité Lébu et la Communauté Mouride, Dakar et Touba, en la personne d’Ibra Bineta Gueye Mbengue. Pacte que Cheikh Salihou Mbacké a vivifié à l’occasion d’une invitation à Touba qu’il fit aux Notables de Cëddéem, au début de son khilafah. La délégation était dirigée par le Chef de Pénc, Mamadou Mbengue Medoune. Auparavant le khalife avait dépêché une délégation à Dakar pour rencontrer la famille d’Ibra Bineta Gueye. Ce sont ces nuits dakaroises que célèbre la fédération de dahira dénommée « Kureel Gi Maggal Ñetti Guddi Ndakaaru yi » présidée par le pieux talibé mouride, Baye Ndiouga Dieng. 

On raconte que Serigne Touba arriva à Dakar à jeun, à l’heure où le soleil déclinait. Le cargo dénommé Ville de Pernambouc, plus connu sous le nom Cap Lopez, devant assurer son transfert au Gabon, étant en retard, le gouverneur Mouttet ordonna son emprisonnement dans un cachot étroit, obscur, infesté d’insectes et parsemé de toutes sortes d’objets usagés, situé au Camp Dial Diop, derrière l’hôpital Aristide Le Dantec, de son premier nom Hôpital Indigène. En y entrant, dit-on, sous la poussée des gardiens, le Cheikh trébucha ; et un objet tranchant lui traversa littéralement le pied. Malgré ses souffrances, il fit une prière de deux rakat, récita les sourates «Bakhara» (La Génisse) et « Ali Imran» (La Famille d’Imran)… Là-bas, révèle la tradition mouride, il reçut la visitation de Grands Saints de l’Islam, dont sa mère, la Sainte Mame Diarra Bousso. 

Là-bas, il reçut des dons immenses de la part de son Seigneur. Informés de l’affaire, nous apprend la tradition conservée par les populations autochtones de Dakar, les Dignitaires lébu s’en désolèrent et dépêchèrent auprès du Gouverneur une délégation conduite par Ibra Bineta Gueye, leur porte-parole auprès de l’autorité coloniale. Il lui tint à peu prés les propos suivants : « Nous avons appris que vous retenez en détention Serigne Touba, Cheikh Ahmadou Bamba. Nous ne venons pas discuter avec vous des raisons de sa détention. Nous voulons seulement que vous respectiez la réputation de terre d’accueil et d’hospitalité de notre terroir. Alors permettez au Marabout de venir loger chez nous et de jouir de notre hospitalité jusqu’au moment où vous aurez besoin de lui. Nous nous portons garant de sa sécurité.» Le Gouverneur, en homme avisé, accéda à la requête des Lébu. 

Au sortir de la cellule infecte du Camp Dial Diop où il a souffert le martyr sans jamais se plaindre, avec comme seules consolations ses actes de dévotion et ses visions mystiques, Serigne Touba séjourna, jusqu’à son départ en exil, le 21 septembre 1895, au Pénc de Cëddéem où Ibra Bineta Guèye l’avait confié aux bons soins de son épouse Anna Diakhére Faye, une bonne dame, pure et pieuse qui préparait ses repas, s’occupait de l’eau de ses ablutions, etc. 

Pour tester les pouvoirs mystiques attribués au Marabout, Ibra Bineta Guèye, dit la tradition locale, un fin connaisseur des mystères, fit semblant d’oublier auprès de son hôte, après une visite, sa canne miraculeuse que deux gros gaillards ne parvenaient pas à remuer et qu’un initié soulevait difficilement. A peine lui eut-il tourné le dos que, Serigne Touba, tenant la canne du bout des doigts, le lui tendit, puis lui dit à peu près ceci : « Je te remercie, toi et ton peuple, pour tout ce que vous avez fait pour moi. Mais déterre le talisman que tu as enterré dans la cour de ta maison pour empêcher mon départ. Sache que je pars volontairement et de bon cœur pour accomplir une mission que Dieu m’a confiée. » 

Or, c’est seul avec Dieu, dans le secret de la nuit, loin des regards indiscrets, qu’Ibra Bineta Guèye avait enterré ce talisman. Définitivement convaincu des pouvoirs du Marabout et de sa sainteté, il l’aima davantage, sollicita ses prières pour lui-même, sa famille, son peuple et sa cité, lui souhaita bon voyage et lui promis ses prières ainsi que celles de sa communauté. Une autre version de l’histoire dit que la première rencontre entre Serigne Touba et Ibra Bineta Guèye eut lieu dans la piteuse cellule du Camp Dial Diop. Car le Gouverneur, exigeant des garanties avant de remettre « son prisonnier » entre les mains des Lébu, Ibra Bineta exigea de voir en tête à tête l’homme pour qui ils se porteront garant. Dés qu’ils se virent et se parlèrent, ils se vouèrent respect et estime réciproque. C’est là-bas, disent les tenants de cette thèse, que se produisit le miracle de la canne. Quant au talisman enterré, ils disent qu’il l’était depuis plusieurs années déjà dans la cour de sa demeure, et qu’Ibra Bineta proposa à Serigne Touba son déterrement qui le sauverait à coup sûr des mains des Blancs. 

Proposition qu’il refusa avec déférence, rappelant, à l’occasion, que Dieu était son seul refuge. La tradition locale parle aussi de cette prédiction que Serigne Touba aurait faite aux jeunes du quartier venus lui rendre visite et se plaignant de solitude que viendra une époque où, de tous les coins du Sénégal, des hommes et des femmes accourront vers cette contrée. La même prédiction, dit-on, avait été faite par Cheikhna Cheikh Saadhbou et El Hadj Malick Sy. 

Cëddéem fait partie des 12 Pénc de Dakar. Il tient certainement son nom du village Cëddéem dans le Jànder qui fait référence à un jujubier (Déem). Il englobe l’actuel marché Sandaga dont le nom vient, selon une opinion assez répandue, d’un arbre appelé « Sànd » qui se dressait à l’endroit occupé aujourd’hui par le « marché d’or » dit « Lalu urus » (étal d’or). C’est Cëddéem qui enregistra les premiers convertis à l’islam de la Collectivité Lébu et accueillit le lettré arabe Massamba Koki Diop, père du premier Seriñ Ndakaaru, Thierno, dit Dial. 

C’est à Cëddéem où le Ndeyi Jàmbur (Président de l’Assemblée des Jàmbur) Youssou Bamar Guèye accueillit et scella avec Cheikhna Cheikh Saadhbou Cherif, un pacte unissant leurs deux familles « jusqu’à la fin des temps ». C’est enfin à Cëddéem où Ibra Bineta Guèye, Chef de canton de la banlieue ouest dakaroise de 1855 à 1905 et Ndey Ji Frey (Président de l’Assemblée des Frey) de 1897 à 1903, accueillit Cheikh Ahmadou Bamba en partance en exil au Gabon. Mamadou Mactar Ndoye, petit fils d’Ibra Bineta Guèye, d’apporter la précision suivante : «Mon grand-père n’était pas gendarme. Certes, en sa qualité de Chef de province, il participait au recrutement des soldats et supervisait la collecte des impôts. Lors de la guerre qui opposa la France à la Turquie, en Salonique et aux Dardanelles, en 1870, c’est lui qui fit implanter par les talibés de son neveu Seydina Limamou Laye le campement militaire de cent cases qui abrita les tirailleurs enrôlés.» 

La décision d’envoyer le Cheikh en exil fait suite à sa comparution devant le Conseil Privé au palais du Gouverneur Général à Saint-Louis, le 5 septembre 1895. Après son arrestation à Jewol, le samedi 10 août 1895, Serigne Touba séjourna à Saint-Louis jusqu’après son jugement. Dans l’acte d’accusation on pouvait lire cette contrevérité manifeste : «Ses agissements et ceux de ses talibés menacent de troubles la tranquillité du bas Sénégal». Il fut condamné à l’exil. En guise de signature, il parapha au bas du document qui lui fut présenté, la sourate «Al Ikhlas», 

(La pureté). Une façon assez éloquente de montrer son attachement à la pureté de sa foi. Et, nous rappelle Cheikh Moussa Kâ, dans son poème intitulé «Nattoo di kerkeraani lawliyaa’i», (l’épreuve est le reposoir du saint), où il parle des bienfaits dont sont porteuses les épreuves que Dieu destine à ses créatures, la condamnation à l’exil était de mode à l’époque. En effet, le colonisateur exilait aussi bien ses ennemis défaits par les armes que quiconque à ses yeux pouvait représenter un danger ou simplement un obstacle à sa tentative de domination et d’exploitation du pays, d’asservissement et d’aliénation des populations. Dans le même poème, « le chantre de Bamba » cite, en exemple, des noms d’exilés célèbres, à savoir, Ahmadou Aminata, petit fils de Serigne Makhtar Ndoumbé, fondateur du village de Koki, Almamy Samory Touret qui opposa aux Français une résistance armée de 18 années, etc. 

« … Dieu parachèvera sa lumière, dussent les infidèles en concevoir du dépit » (Coran : S. 9, V : 32). Serigne Touba reviendra d’exil, après sept années de rudes épreuves, auréolé de gloire. L’étoile que l’on a cherché à éteindre était devenue un soleil. La flamme qu’il avait allumée était devenue un flambeau… 

ABDOU KHADRE GAYE 
Ecrivain, Président de l’EMAD 
Mail : emadassociation1@gmail.com 

vendredi 27 octobre 2017

Rachat d'entreprise : quel sort est réservé aux salariés ?

Le repreneur ne peut pas remettre en cause les contrats de travail en cours. Rien ne l'em pêche toutefois de procéder à des ajustements d'effectifs ou d'organisation. A condition de respecter scrupuleusement les règles.
En cas de transfert d'entreprise (transmission, cession totale ou partielle, mise ou apport en société, fusion, sous-traitance, location-gérance, reprise de commercialisation ou par une collectivité), appelé aussi "modification de la situation juridique de l'employeur", tous les contrats de travail en cours sont automatiquement transférés au repreneur. Le droit du travail impose à ce dernier de poursuivre lesdits contrats avec tous les éléments qui les composent. Il s'agit d'une règle d'ordre public selon l'article L. 122-12 al. 2 du Code du travail. Le transfert s'opère donc de plein droit sans que le cédant ait à en aviser les salariés. 
Sont concernés par ce transfert tous les salariés titulaires d'un contrat de travail : à durée indéterminée ou déterminée, à temps plein ou à temps partiel, d'apprentissage, d'insertion ou en alternance, à domicile ou VRP. Il en va de même pour un mandataire social qui cumule sa fonction avec un contrat de travail. Peu importe que le salarié soit en période d'essai ou de préavis. De même, la suspension du contrat de travail au moment où survient le changement (pour congé maladie, parental d'éducation, maternité ou paternité, formation) ou le détachement dans une autre entreprise n'empêche pas l'application de ce principe.  
Les effets du maintien du contrat de travail
Le contrat de travail continue de s'exécuter dans les mêmes conditions et selon les mêmes modalités. Le salarié conserve donc sa rémunération, sa qualification, son ancienneté et les avantages qu'il a acquis. Toutefois, pour l'application des conventions collectives et accords collectifs et des usages et engagements unilatéraux, des règles spécifiques s'appliquent (lire l'encadré ci-contre).Si des salaires, des primes (d'ancienneté...), des indemnités (de licenciement, de départ en retraite...) demeurent impayés au moment du transfert, c'est au nouvel employeur qu'il convient de les régler. Il en est de même pour les sommes acquises au service de l'ancien employeur, mais payables après que le changement soit intervenu (indemnités de congés payés, primes de fin d'année...). 
L'obligation de non-concurrence liant le salarié au premier employeur est aussi transférée au cessionnaire, qui doit en verser la contrepartie (Cass. soc., 21 octobre 1988).Mais le nouvel employeur ne peut avoir plus d'obligations que son prédécesseur : il n'est pas obligé de verser aux salariés repris les primes et gratifications versées au bon vouloir de l'ancien employeur (Cass. soc., 7 juin 1979).  
En cas de licenciement
Lors d'un transfert, des licenciements sont possibles mais le juge veille alors à ce qu'ils ne constituent pas un détournement de procédure visant à faire échec au transfert des contrats de travail. Il peut y avoir en effet une fraude du premier employeur ou une collusion frauduleuse entre les deux lorsqu'un licenciement est prononcé par le cédant avant le transfert quand le nouvel exploitant fait de cette réorganisation une condition de reprise. S'il en est ainsi, le licenciement est alors sans cause réelle et sérieuse. Indépendamment de tout changement dans la situation juridique de l'employeur, un licenciement peut néanmoins intervenir pour motif personnel, pour faute du salarié (absences injustifiées, par exemple) ou encore pour motif économique dans le cadre de la réorganisation de l'entreprise. 
Un licenciement peut, enfin, survenir après le transfert d'entreprise, lorsque le nouvel employeur procède lui-même à la réorganisation du travail ou impose les modifications essentielles aux contrats de travail que les salariés refusent. En effet, toute modification du contrat de travail est subordonnée à l'accord du salarié. Les indemnités de licenciement sont alors calculées en tenant compte de l'ancienneté totale du salarié, y compris celle passée au service de l'ancien employeur. 
Conventions collectives et usages 
Les conventions collectives et les accords collectifs ne sont pas obligatoirement transférés à la nouvelle entreprise. Ils peuvent même être remis en cause par la nouvelle direction, surtout en cas d'absorption. Une négociation doit alors s'engager pour conclure de nouveaux accords en remplacement des anciens. Ces derniers ne produisent leur effet qu'envers les salariés de l'entreprise reprise pendant un délai de préavis de trois mois, voire un an au maximum. 
Quant aux usages et engagements unilatéraux à caractère collectif en vigueur chez l'ancien employeur au jour du transfert, ils cessent de s'appliquer en cas de dénonciation par le nouvel employeur ou de l'entrée en vigueur d'une convention ou d'un accord collectif ayant le même objet. 
Les représentants du personnel
En cas de transfert total d'une entreprise, les contrats de travail des représentants du personnel (comité d'entreprise, délégué du personnel, délégué ou représentant syndical au CE) sont transférés automatiquement. Il n'y a que lorsqu'un représentant du personnel est compris dans un transfert partiel que son transfert est soumis à l'autorisation préalable de l'inspecteur du travail. Pour qu'il y ait transfert partiel, il faut que la branche d'activité ou le service transféré constitue une entité distincte et détachable des autres activités exercées par le cédant. 
Dans ce cas, l'inspecteur du travail doit s'assurer qu'un représentant ne fait pas l'objet de mesures discriminatoires visant à l'éliminer de l'entreprise. Si l'autorisation de transfert est refusée, l'employeur doit conserver le représentant à son service en lui proposant un emploi similaire et une rémunération équivalente dans une autre partie de l'entreprise. Si le licenciement d'un salarié protégé est envisagé, la procédure protectrice spéciale doit bien sûr être respectée. 

mercredi 25 octobre 2017

Procédure de référé - Quand peut-on l'utiliser ?

Lorsqu'il y a urgence, il est possible de demander au tribunal qu'il ordonne une mesure provisoire. Voici dans quels cas.
La procédure de référé permet à un particulier ou à une entreprise dont le droit est menacé de demander au président du tribunal qu'il ordonne une mesure provisoire pour faire cesser une atteinte.
Celui qui engage une procédure de référé doit assigner son adversaire à une audience spécialement dédiée aux référés. Théoriquement, cette procédure peut être engagée sans l'aide d'un avocat mais, en pratique, le recours à l'avocat est nécessaire. Dans tous les cas, il faut laisser à l'adversaire un temps suffisant pour se préparer. Toutefois, lorsqu'il y a une extrême urgence, il est possible d'assigner "d'heure à heure", c'est-à-dire pour le jour même, y compris les jours fériés ou chômés ; l'audience peut d'ailleurs se tenir au domicile du juge... En général, l'audience est fixée dans un délai de trois à six semaines et le juge rend son ordonnance rapidement, parfois le jour de l'audience. Ensuite, le demandeur signifie l'ordonnance à son adversaire et celui-ci doit l'exécuter. S'il est condamné à payer une provision et qu'il ne le fait pas, ses biens peuvent être saisis. 
Exécution immédiate

La procédure de référé, outre sa rapidité, présente un autre avantage considérable. L'ordonnance rendue par le juge est "immédiatement exécutoire". En clair, même si l'adversaire fait appel, il doit exécuter l'ordonnance tout de suite, car l'appel n'est pas suspensif, contrairement aux autres procédures.
Il s'agit donc d'une procédure rapide, voire très rapide, mais où le juge des référés ne tranche pas le fond de l'affaire. Toutes les demandes ne peuvent donc pas faire l'objet d'une procédure en référé. Seules celles qui remplissent des conditions particulières sont admises. La loi prévoit principalement trois situations dans lesquelles le plaideur peut engager cette procédure, auxquelles s'ajoute le référé prévu par les parties elles-mêmes dans le contrat. 
Référé et ordonnance sur requête
Ne pas confondre le référé avec l'ordonnance sur requête. Tout intéressé peut saisir le président du tribunal de grande instance ou le président du tribunal de commerce par une simple requête, afin de prendre une mesure provisoire lorsqu'il n'y a pas besoin d'appeler la partie adverse. Par ailleurs, la loi prévoit un certain nombre de situations dans lesquelles les demandes doivent se faire par ordonnance sur requête, notamment lorsqu'il y a urgence. Cela peut être, par exemple, pour désigner un expert qui examinera des travaux litigieux (Cass., 16 janvier 1983), ou pour ordonner l'expulsion de grévistes (Cass., 17 mai 1977). L'ordonnance sur requête peut être rendue même lorsqu'il y a un différend au fond. La principale différence avec le référé réside dans le fait que la partie adverse n'est pas convoquée.
 
Lorsqu'il y a urgence

Dans tous les cas où il y a urgence, le plaideur peut demander au président du tribunal compétent sur le fond de prendre les mesures qui s'imposent. C'est le juge lui-même qui apprécie si l'urgence justifie qu'il prenne une décision en référé. Ainsi, par exemple, la jurisprudence estime qu'il y a urgence si l'absence de décision immédiate conduisait à la paralysie des organes de gestion d'une société (Cassation, chambre commerciale, 17 octobre 1989), ou à la dissolution d'une société (Cassation, chambre commerciale, 26 avril 1982). En revanche, il n'y a pas urgence lorsque le demandeur en référé a tardé à présenter sa demande et a manifesté une très longue tolérance avant d'agir (cour d'appel de Paris, 9 novembre 1977).
Par ailleurs, la mesure demandée ne doit pas, en principe, se heurter à une contestation sérieuse (article 808 du Code de procédure civile). Elle doit apparaître au juge comme "une évidence" (Cassation, 1re chambre civile, 28 juin 1965). C'est notamment le cas lorsqu'on demande au juge de constater la résiliation d'un contrat arrivé à son terme (Cassation, chambre civile, 2 avril 2003). Inversement, le juge des référés doit refuser de trancher, par exemple, une affaire qui divise les parties sur le moment du transfert de propriété des marchandises vendues (cour d'appel d'Orléans, 23 mars 1981), ou un différend qui est subordonné à la validité d'un contrat (Cassation, chambre commerciale, 27 juillet 1986).
En réalité, les solutions ne sont pas aussi tranchées qu'il y paraît. La Cour de cassation accepte que le juge des référés intervienne pour prendre des mesures conservatoires, même en présence d'une contestation sérieuse sur le fond. Mais alors, la mesure prise ne doit pas trancher le fond du problème et, bien sûr, la notion d'urgence doit être très présente. Ainsi, le juge des référés peut, malgré une contestation sérieuse, suspendre une saisie injustifiée (Cassation, chambre commerciale, 14 mars 1984), suspendre une interdiction bancaire abusive (cour d'appel de Paris, 6 novembre 1979), nommer un administrateur provisoire ou un séquestre (Cassation, chambre civile, 17 octobre 1980), etc.
Bon à savoir : lorsqu'il y a urgence, les avocats tentent bien souvent la procédure de référé, même dans les cas limites.
 
Un dommage imminent ou un trouble manifeste

Il est également possible de demander au président du tribunal de prendre, en référé, des mesures conservatoires ou de remise en état lorsqu'il y a un risque de dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Cette action peut être engagée même s'il n'y a pas d'urgence et même s'il y a une contestation sérieuse sur le fond (Cassation, chambre commerciale, 27 octobre 1992), y compris si le problème vient d'une décision administrative. Mais le comportement à l'origine du dommage doit être illicite.  
Par exemple, ont été jugées illicites l'utilisation, en tant que nom de domaine, du nom patronymique d'un tiers et de la dénomination d'une autre entreprise sans leurs accords (cour d'appel de Paris, 23 janvier 2003), ou encore la diffusion d'une publicité mensongère (Cassation, chambre commerciale, 19 octobre 1999). Cette procédure permet notamment au juge des référés d'interdire à un magasin d'ouvrir le dimanche en violation d'un arrêté préfectoral (Cassation, chambre commerciale, 15 juin 1982) ; d'interdire l'exercice irrégulier d'une activité professionnelle (Cassation, chambre civile, 30 novembre 1982) ; de condamner un cocontractant à reprendre ses relations contractuelles du fait de l'imminence et de la gravité du dommage qui résulterait de la rupture du contrat (Cassation, chambre commerciale, 21 mars 1984).

Bon à savoir : lorsque le comportement est "manifestement" illicite, le juge des référés reste compétent, même si le trouble est "peu important".
 
Saisir le tribunal compétent au fond
La procédure de référé existe devant toutes les juridictions civiles, notamment devant le tribunal de grande instance, le tribunal de commerce, le tribunal d'instance, le conseil de prud'hommes... Il faut saisir le président du tribunal qui est compétent sur le fond de l'affaire, bien que, en référé, celui-ci ne tranche pas le fond du conflit, mais prenne uniquement des mesures provisoires.
Rappelons que le tribunal de grande instance est compétent pour les affaires civiles lorsque l'enjeu est supérieur à 10 000 euros. S'ajoute une compétence, quelle que soit la somme en jeu, dans certains domaines, par exemple pour les saisies immobilières, les brevets et marques, les successions...  
Le tribunal de commerce est compétent pour les litiges entre commerçants, les litiges entre associés d'une société commerciale, les litiges nés de la vente d'un fonds de commerce, ceux qui concernent les actes de commerce entre commerçants et non-commerçants et les questions liées aux règlements et aux liquidations judiciaires.
Le tribunal d'instance juge, quant à lui, les conflits entre particuliers dans certains domaines, lorsque l'enjeu ne dépasse pas 10 000 euros. Inversement, dans certains domaines, il est compétent quel que soit le montant en jeu, notamment pour les baux civils. Enfin, le conseil de prud'hommes juge les litiges entre employeurs et salariés. 
Pour obtenir une provision

Le créancier dont la créance n'est pas définitivement établie peut obtenir une provision, c'est-à-dire la condamnation du débiteur à lui payer tout ou partie de sa créance. Toutefois, pour pouvoir engager un référé-provision, la créance ne doit pas être "sérieusement contestable". Ainsi, le tribunal de grande instance de Toulouse a estimé, le 22 février 2000, que la responsabilité de plein droit de produits défectueux n'est pas sérieusement contestable en référé. De même, il n'y a pas de contestation sérieuse à propos d'une créance qui résulte de factures impayées (Cassation, chambre commerciale, 25 janvier 1983) ou d'un décompte définitif. Même solution pour la demande de remboursement d'un prêt au terme du plan de remboursement (Cassation, chambre commerciale, 22 novembre 1982). C'est au débiteur poursuivi de prouver que sa dette fait l'objet d'une contestation sérieuse.  
C'est par exemple le cas d'une créance qui découle d'un document contractuel imprécis ou d'un document qui demande un examen approfondi (Cassation, chambre commerciale, 19 janvier 1988). Peu importe la nature de la créance, elle peut être commerciale ou civile. Il peut également s'agir d'une obligation de faire (cour d'appel de Versailles, 24 juin 1999). Le juge peut, par exemple, prescrire l'exécution des contrats en cours dans le cadre d'une procédure collective (tribunal de grande instance de Nîmes, 6 novembre 1986). En ce qui concerne le montant de la provision, cela peut aller jusqu'à la totalité de la créance (Cassation, chambre civile, 10 mars 1993).

Bon à savoir : le créancier peut engager un référé-provision même en l'absence d'urgence particulière, car la Justice considère que tout recouvrement de créance est urgent (Cassation, chambre civile, 18 janvier 1978).
 
Quand le référé est prévu au contrat

Il est fréquent que les parties prévoient elles-mêmes dans leur contrat le recours au juge des référés, indépendamment des procédures prévues par la loi. C'est notamment le cas pour constater l'acquisition d'une clause résolutoire. Rappelons que la clause résolutoire est une clause par laquelle les parties conviennent que si tel ou tel événement survient (ou ne survient pas), le contrat prendra fin de plein droit, c'est-à-dire automatiquement. En règle générale, il est prévu que la clause résolutoire se déclenche lorsque l'une des parties n'exécute pas ses obligations. On trouve des clauses résolutoires dans de très nombreux contrats et notamment dans tous les baux (commerciaux ou non) : le bail est résilié dès lors qu'un seul loyer n'est pas payé.
La procédure de la clause résolutoire dépend de ce qui est prévu au contrat. En général, les parties soumettent le déclenchement de la clause à une mise en demeure préalable. Une fois celle-ci passée, il faut distinguer selon que la clause résolutoire est acquise "de plein droit à défaut d'exécution" ou simplement "à défaut d'exécution". Dans le premier cas, il n'est en principe pas besoin de recourir à la justice pour faire constater que les conditions de la résolution sont réunies, sauf si le cocontractant le conteste. Dans le second cas, le juge doit constater le défaut d'exécution. Cette demande de constatation peut s'effectuer en référé, de même si la clause est résolutoire de plein droit mais que le cocontractant conteste la résolution. Dans ces hypothèses, le bénéficiaire de la clause peut demander au juge des référés de "constater" la résolution (Cassation, chambre commerciale, 4 juin 1962), sauf s'il faut trancher une contestation sérieuse. Notons que, si le juge des référés constate l'acquisition de la clause, la partie condamnée peut encore agir devant le juge du fond et demander la suspension de la clause, car l'ordonnance de référé n'a pas autorité devant le juge du fond.

Bon à savoir : dans la mesure où le contrat prévoit lui-même la compétence du juge des référés pour constater l'acquisition de la clause résolutoire, celui-ci est compétent même s'il n'y a pas urgence (Cassation, chambre civile, 20 janvier 1988). 


Le couple qui a accueilli Serigne Touba à Dakar en 1895

Ibra Bineta Gueye M'bengue et son épouse Anna Diakher Faye ont accueilli, au Penc de Thieudeme, à Dakar, Serigne Touba en partance e...